Chambord s’offre un nouveau décor pour ses 500 ans

2019 est une année de festivités en région Centre-Val de Loire et notamment au château de Chambord, qui célèbre le demi-millénaire du début de sa construction. Monument de beauté et d’intelligence, pensé par François Ier et Léonard de Vinci, Chambord est l’expression même de la Renaissance et son symbole à travers le monde. 500 ans plus tard, il suscite toujours admiration et fascination. Pour célébrer cet anniversaire, des chantiers d’importance sont lancés afin d’offrir au visiteur un Chambord transformé et magnifié. Le réaménagement d’évocation d’un décor de la cour itinérante, confié à Jacques Garcia, est l’un des neufs projets lancés cette année.

Chambre de François Ier © Domaine national de Chambord

Un décor de la cour itinérante à Chambord 

Après la restauration de ses jardins à la française en 2017, Chambord entend recréer l’atmosphère qui régnait à l’intérieur du château à l’époque de François Ier. Jusqu’à l’installation permanente du roi à Versailles à partir de 1682, le roi est nomade. Il traverse la France avec sa cour, emportant son mobilier et son décor que les fourriers installent à chaque étape. C’est dans ce contexte que fut conçu Chambord.

La restitution des décors mobiles et textiles de François Ier lors de son dernier passage à Chambord en 1545 et la restitution de la chambre du Roi opèreront une transformation spectaculaire de la visite. Parallèlement, le Domaine a souhaité montrer, au premier étage, une évocation du théâtre aménagé par Louis XIV pour la troupe de Molière : là où se jouèrent en 1669 et 1670 les premières de Monsieur de Pourceaugnac et du Bourgeois gentilhomme.

Théâtre de Molière © Domaine national de Chambord

Une nouvelle expérience de visite

Avec ce nouvel aménagement, le visiteur est accueilli comme un invité du roi. La visite, plus chaleureuse et accessible, facilite la médiation et donne des clés de compréhension, notamment sur le nomadisme du roi. Ce décor permet de replacer véritablement le roi François Ier au centre de la visite. En effet, le grand paradoxe de Chambord était de ne présenter qu’un seul aménagement du XVIe siècle, la chambre du Roi, alors que la personne de François Ier est fondamentale dans la création du château. Le nouveau décor rendra sa présence perceptible de façon sensible ; à chaque instant, le visiteur pourra imaginer croiser le roi dans le château.

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Ce réaménagement, qui s’étend du rez-de-chaussée jusqu’à l’aile royale, a été confié à Jacques Garcia, décorateur et scénographe. Le décor proposé est en France le seul exemple d’évocation d’un décor de la cour itinérante à la Renaissance.

La découverte de Chambord sera fondamentalement transformée pour la mise en place de ce décor qui reste à l’ordre de l’expérimentation : aucune structure n’est touchée, le décor est révocable, il s’apparente à une exposition permanente, la scénographie part de l’idée que ces éléments mobiliers devaient pouvoir être enroulés et mis en malles dans les plus brefs délais pour accompagner le Roi.

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Les espaces concernés

> Le rez-de-chaussée du donjon : le décor et l’ameublement des grandes salles du rez-de-chaussée seront ceux qui étaient mis en oeuvre dans le donjon à la Renaissance, pour les visites royales.

> Le logis royal : cet espace emblématique a connu un important réaménagement dans les années 1960-1970. Le nouveau décor pour la chambre de François Ier concerne la garde-robe, le cabinet de travail et la salle du roi.

> Le théâtre de Molière : le Roi Soleil réside à plusieurs reprises dans le monument en compagnie de sa cour. Ces séjours sont l’occasion de grandes parties de chasse et de divertissements. Ainsi, Molière présente-t-il pour la première fois à Chambord deux de ses célèbres comédies. Le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, mise en musique par Jean-Baptiste Lully, est jouée pour la première fois à Chambord le 14 octobre 1670 devant le roi Louis XIV. L’année précédente, Monsieur de Pourceaugnac avait également fait l’objet d’une création à Chambord.

Appartements de François Ier © Domaine national de Chambord

Deux questions à Yannick Mercoyrol, Directeur de la programmation culturelle

# Comment les décors ont-ils été réalisés : s’agit-il exclusivement de reconstitution ou bien pouvons-nous aussi contempler du mobilier d’époque ? 

Il est important de préciser que c’est une évocation et non une reconstitution. C’est-à-dire que lorsqu’on parle de reconstitution, on signifie par là que le travail est réalisé avec des éléments d’époque. Pour nous, en grande partie, ce n’est pas le cas. Ce qui ne signifie pas que ça manque de sérieux scientifique. Les choix des décors ont été validés par des scientifiques de la période. Il s’agit d’une évocation sérieuse, rigoureuse qui se fonde sur des éléments, des motifs de l’époque. Par exemple, les tentures du projet ont été créées pour l’occasion à partir de motifs Renaissance. L’exemple le plus concret que je puisse vous donner sont les tentures du rez-de-chaussée, du bras nord et du bras sud, dont les motifs proviennent du tableau représentant François Ier, le portrait du Louvre.

Il y a tout de même dans cette évocation, des éléments d’origine dont notamment le lit du gentilhomme dans la chambre du roi, un des rares exemples du début du XVIe siècle. Je pense aux fauteuils du roi et de la reine dans le théâtre de Molière, qui sont des fauteuils du XVIIe siècle qui appartiennent au Domaine. Je pense aux deux tables du théâtre qui ont été mises en dépôt par le Mobilier National, d’époque Louis XIV. Ce sont des objets originaux qui sont parfaitement adaptés à cette évocation. Mais par exemple, les torchères qui sont le théâtre, ne sont pas des éléments d’origine, mais qui ont été copiés très rigoureusement sur des torchères du Mobilier National. Donc il y a trois niveaux d’originalité. Le niveau un avec des objets originaux, authentiques. Le niveau deux, avec des copies et trois, avec des inspirations. 

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# Trois espaces sont concernés par cette nouvelle scénographie. Pour ces aménagements, vous êtes-vous appuyés sur des éléments d’archives ou s’agit-il d’une interprétation libre ?

Comme pour tout le décor, c’est vraiment un travail qui a été mené avec des sources scientifiques avérées, que ce soit des spécialistes ou des sources iconographiques. Il y en a assez peu pour le XVIe siècle. Pour la chambre, on a fait appel, par exemple, à l’une des grandes spécialistes du lit Renaissance qui est Muriel Barbier du Musée de la Renaissance à Ecouen. Par exemple, les nattes de jonc qui couvriront notamment les parties hautes de la chambre du roi qui sont également posées sur le mur qui la jouxte, qui s’appelait la galerie Marignan, sont liées à une connaissance très certaine. On mettait effectivement du jonc au mur et sur le sol aussi, d’où l’expression française « joncher le sol » qui vient de là. On mettait des joncs pour des raisons d’isolation et pour des vertus d’agrément. Il y a cette origine avérée. L’idée est de coller à une réalité de l’époque et d’utiliser des éléments aujourd’hui disponibles.

Il n’est plus possible aujourd’hui de reconstituer véritablement avec des tentures par exemple d’époque, même avec le mobilier, car la cour est mobile au XVIe siècle donc il y a assez peu de meubles. Et aujourd’hui, sur les marchés, il est rare de trouver des meubles du XVIe siècle en vente et quand c’est le cas, ils sont à des prix non-abordables pour Chambord. Si on souhaite évoquer l’atmosphère du château de Chambord lorsque le roi y séjournait, on ne peut qu’osciller entre un sérieux scientifique et une adaptation contemporaine. 

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Scénographie : Jacques Garcia

Commissaires associés : Yannick Mercoyrol, Virginie Berdal

www.chambord.org 

Élodie Filleul

Avec Ô Mon Château, vous allez aimer les vieilles pierres ! Je suis Elodie et je partage avec vous mes découvertes et coups de cœur patrimoniaux, ainsi que mes rencontres avec des artisans. 👀

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