Sauvons le château de Bagnac

La France, terre d’histoire aux richesses patrimoniales inestimables, possède de nombreux chefs-d’œuvre en péril. Délaissés, abandonnés, oubliés, un grand nombre d’édifices sont aujourd’hui menacés de disparition. Témoins d’un passé glorieux, d’une époque où ils furent la fierté de leurs propriétaires et habitants, les voici à présent relégués à l’état de ruines ! Faute de moyens financiers pour les entretenir, ces vieilles bâtisses se transforment peu à peu en amoncellements de pierres.

Le château de Bagnac situé dans le nord de la Haute-Vienne, en est le parfait exemple. Ce château au style néo-gothique du XIXe siècle dont on peut apercevoir les hautes tours depuis la route avoisinante, est incontestablement menacé de disparition. La sonnette d’alarme ayant été tirée à plusieurs reprises, sans succès, sa situation est des plus préoccupante. 

J’ai découvert cet édifice il y a peu, sur internet. Je me suis très vite aperçue que je n’étais pas la seule à être « choquée » par l’état désastreux de ce château. Sur des forums, certaines personnes se proposaient même de lui venir en aide bénévolement. Ce qui m’a le plus étonné durant ces recherches est d’apprendre qu’il est inscrit à la liste des monuments historiques depuis… 1976 ! Faut-il comprendre que depuis quarante ans, il n’y a eu aucun véritable suivi de la part de l’État ? Nous y reviendrons.

C’est avec tous ces éléments en tête que je décide de me rendre compte par moi-même de la situation de ce château. Après avoir emprunté un chemin caillouteux pour accéder à la propriété, la bâtisse se dévoile. Bagnac, ce château fantôme, semble à l’agonie. Cet aspect mêlant ruines et végétation à quelque chose d’apaisant, hypnotisant même ! Perdu au milieu des champs, le château a aujourd’hui pour seul occupant un troupeau de moutons qui entretient le site à sa manière…

• Localisation : Saint-Bonnet-de-Bellac, Haute-Vienne (87)
• Époque : XIXe siècle

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# BAGNAC, UNE RECONSTRUCTION

Le château de Bagnac fut le rêve du Marquis et de la Marquise de Saint-Martin de Bagnac. Admirateurs de l’architecte Viollet-le-Duc, ils s’inspirèrent de ses travaux et notamment du château de Pierrefonds. L’ensemble des plans du château de Bagnac et des dessins des sculptures, boiseries ont été réalisés par le Marquis lui-même ! 

Le château actuel est situé sur l’emplacement de l’ancien château du XVe siècle détruit pendant les guerres de Religion. L’idée première était de le restaurer mais les travaux de restauration qui commencèrent en 1858 se transformèrent rapidement en reconstruction : le Marquis ayant eu du fil à retordre ! 

Le marquis avait eu à lutter pour l’ensemble : contre un sol d’argile visqueuse, rebelle aux fondations, contre l’éloignement du calcaire, du bon moellon, et surtout de la pierre de taille, ce granit amphibolique ici employé, aussi décoratif qu’il est dur au ciseau et hostile aux moulures.

Jean-Baptiste Champeval, Notice historique de la maison de Saint-Martin de Bagnac, Vve H. Ducourtieux (Limoges), 1897 – Gallica 

Les travaux interrompus durant la guerre franco-prussienne de 1870, reprirent en 1875. C’est ainsi qu’un château de style néo-gothique vit le jour ! Un château qui réaffirme l’identité du Marquis et de la Marquise, de fervents royalistes ! Sans enfants, le couple avait pour projet de léguer ce bien à Henri d’Artois, comte de Chambord (1820 – 1883) et prétendant au trône de France. Mais sa mort « prématurée » fit que le château fut légué au baron Guy de Salvaing de Boissieu (1871-1954). 

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# UN CHÂTEAU DÉLAISSÉ

Presqu’un siècle après le début des travaux, en 1949, le château fut abandonné. Dépouillé de son mobilier, de ses boiseries et autres richesses, il se dégrade depuis lors. Au début des années 1975, une première attention est portée au château de Bagnac. Un an après, le 16 mai 1976, le château est inscrit à la liste des monuments historiques. Une première victoire ? Pas vraiment puisque le château restera dans cet état d’abandon, livré aux ravages du temps. J’ai pu lire dans un article de presse que durant les années 1980, des crédits pour venir en aide au château auraient été débloqués par l’État mais que le propriétaire refusait tout projet de restauration et de vente du château. 

Plus récemment en 2014, au décès du propriétaire, le château fut transmis à ses petits-neveux. C’est à ce moment-là que la question de la désinscription du monument est posée*. Une désinscription qui laisserait à son propriétaire la possibilité de faire ce qu’il souhaite de son bien : le modifier, le vendre ou encore le détruire ! Heureusement, la démarche n’a pas abouti. Mais la situation n’a pas évolué pour autant. Alors que faire ? Le débat reste ouvert, mais il me semble primordial de venir en aide à ce joyau.

* « Le château de Bagnac mérite un sauvetage d’urgence« , Article de la revue Connaissance des Arts par Guy Boyer

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# LE CHÂTEAU AVANT

Description de la fin du XIXe siècle :

Soit que vous considériez ici, en effet, entre deux causeries, ou assauts d’aimable et attirante politique, cette double façade ensoleillée de l’est et du midi, s’ouvrant vers la Gartempe surtout, par delà les parterres en fleur, sur la verdure d’une grande prairie encadrée à souhait de futaies à vieux chênes, vous trouverez bien à sa place ce bijou de pierre dans un tel site. L’impression reste la même, si pour jouir d’un autre aspect, l’on contourne par le nord vers la longue avenue de charmes et la terrasse aux marronniers chenus, le pied même des trois grandes tours qui font au château, de ce côté, un sévère front de bataille.

Jean-Baptiste Champeval, Notice historique de la maison de Saint-Martin de Bagnac, Vve H. Ducourtieux (Limoges), 1897 – Gallica

# LE CHÂTEAU AUJOURD’HUI

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