Romain Pichot est un amoureux de la pierre qu’il façonne, entre restauration et création, passé et avenir. Tailleur de pierre auprès d’un artisan situé à Cléry-Saint-André dans le Loiret, il est également un artiste. Romain réalise de magnifiques sculptures contemporaines en pierre, sur son temps libre. Rencontre.
D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été émerveillée par les châteaux, les cathédrales et autres monuments anciens. Ces vieilles pierres sont un véritable témoignage du passé. La prestance de ces bâtisses, leur silhouette imposante et presque indestructible contrastant avec la délicatesse et la finesse des ornementations est fascinant. Je me suis souvent demandée comment des hommes avaient pu construire de tels ouvrages à des époques où la mécanisation était encore inexistante. La patience, la rigueur ou encore la minutie sont autant de qualités nécessaires à ce savoir-faire. La taille de pierre est certainement un des métiers les plus emblématiques de l’époque des bâtisseurs. Un métier qui requiert aujourd’hui encore un savoir-faire traditionnel.
Romain Pichot est tailleur de pierre depuis près de dix ans. « L’amour arrive quand on s’y attend le moins » est une expression qui correspond parfaitement à son parcours. L’amour pour la pierre et la sculpture. C’est lors d’un chantier de fouilles en Mayenne dans le cadre de son master en archéologie que Romain découvre le métier. « Il y avait un château en restauration et c’est ici que j’ai vu les restaurateurs de pierre qui montaient les grandes pierres avec des treuils. Je ne connaissais pas du tout le monde du bâtiment. Ça m’a intéressé, je suis allé les voir et ils m’ont expliqué leur métier. Et je me suis dit « Pourquoi pas ? ». » À la suite de cette rencontre, Romain prend la décision d’arrêter ses études en archéologie pour découvrir la taille de pierre, sans l’idée d’en faire son métier comme il le souligne. Mais la vie fait que certaines rencontres peuvent changer vos projets. Romain décide alors de suivre une formation en accéléré à Blois afin d’obtenir un CAP tailleur de pierre. « Je suis tombé sur un professeur qui était un ancien compagnon et qui avait la bonne pédagogie et le goût de la transmission. Il m’a vraiment fait aimer le métier. » Dans le cadre de cette formation, Romain réalise un stage chez un artisan à Chinon qui l’embaucha comme apprenti en alternance pendant deux ans, lui permettant ainsi d’obtenir son Brevet Professionnel.
L’envie d’apprendre davantage et d’acquérir de nouvelles compétences l’ont conduit à suivre une nouvelle formation en sculpture ornementale dans l’Indre. Avant de travailler avec un artisan dans l’entreprise L’Ère des pierres à Cléry-Saint-André dans le Loiret où il exerce depuis maintenant sept ans. De la rénovation chez des particuliers en passant par la restauration de monuments anciens tel que le Château de la Ferté-Saint-Aubin en Sologne, sans oublier la création, Romain explore les différentes facettes du métier de tailleur de pierre dans une région au patrimoine riche et varié. « Il y a beaucoup de bâtisses en pierre intéressantes dans la région. En France, c’est le long de la Loire que nous trouvons le plus de travail pour nous, les tailleurs de pierre. »
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Tailleur de pierre est un métier pluridisciplinaire qui demande d’avoir l’œil aiguisé et un sens artistique, tout en maîtrisant les techniques de maçonnerie afin de pouvoir redonner vie à des bâtisses souvent vieilles de plusieurs siècles. « Moi, dans ce métier, tout me plait. Que ce soit aller chercher une pierre à la carrière et choisir la matière, que la tailler et la poser. » Il ne faut pas oublier que cela reste un métier difficile, soumis à la météo et où donc le travail ne sera pas le même à la belle saison qu’en hiver. « On est lié aux températures. L’hiver, on ne peut pas faire de la taille de pierre. On utilise beaucoup la chaux et dès qu’il fait moins de 5 degrés, ce n’est pas possible. On essaie d’avoir des choses à l’intérieur et on fait plus de maçonnerie. »
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Exercer comme tailleur de pierre offre souvent l’opportunité de remonter le temps. Parfois sur un chantier, il n’est pas impossible de faire de belles découvertes historiques et de trouver des signes lapidaires, l’empreinte des anciens bâtisseurs. « Sur des monuments d’époque, on retrouve souvent des pierres avec des dates et signatures cachées que seul le tailleur de pierre peut voir depuis son échafaudage. Parfois, elles sont même à l’arrière de la pierre. C’est un très bon témoignage pour dater les bâtiments. »
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La pierre peut être façonnée de multiples façons. Cette polyvalence inspira Romain qui, en parallèle de son activité professionnelle de tailleur de pierre, s’est orienté vers la sculpture. Une activité qu’il exerce sur son temps libre. « Pour me faire plaisir, il y a la taille de pierre mais c’est vraiment avec la sculpture que je m’épanouis le plus. La taille de pierre est très géométrique, on suit des traits, alors qu’en sculpture, il n’y a pas de traits, c’est de la création. Ce n’est pas la même approche. C’est ce qui me plait aujourd’hui. »
Tout comme la taille, la sculpture de pierre est un travail minutieux qui demande beaucoup de concentration et de patience face à la dureté et à la résistance de ce matériau. « C’est très difficile de travailler sur un même caillou. Plus on avance, plus le travail devient minutieux et plus la pierre est fragile.»
Les sculptures de Romain, à l’opposé de ce que nous pouvons voir sur les vieilles demeures, ont une allure contemporaine à travers des formes géométriques qui rappellent le mouvement cubiste. C’est impressionnant de voir qu’à partir d’un bloc de pierre, Romain peut donner vie à de magnifiques sculptures.
Véritable couteau-suisse, Romain Pichot exploite toutes les facettes de la pierre. Son parcours et son intérêt pour ce matériau sont très inspirants. À travers cet échange, il nous fait prendre conscience de l’importance de cet artisanat, de la maîtrise de ce savoir-faire ancien, ainsi que de sa transmission auprès de la nouvelle génération qui sera un jour, à son tour, passeur de savoir.
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Il sera bientôt possible de découvrir les sculptures de Romain via son site internet (actuellement en cours de réalisation).
Photographies : Sandra Tommasini
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