Redonner vie aux livres : Vincent Collet, artisan-relieur

Récemment, j’ai eu le plaisir de faire la connaissance de Vincent Collet. Cet artisan-relieur a quitté Paris pour prendre, il y a quelques années, ses quartiers à Blois. Il s’est installé dans le Quartier des Arts, un secteur historique de la ville situé sous le château royal, qui accueille de nombreux artisans. Souvenez-vous d’ailleurs de ma rencontre avec Nathalie Fraudeau, La Maison des parapluies, qui possède une boutique dans ce quartier. C’est donc une évidence que de trouver à cet emplacement l’atelier de reliure et la boutique de papeterie de Vincent et son épouse Valentine. 

Cet amoureux de l’artisanat et du travail manuel redonne vie à des livres variés et de toute époque. Du livre du XVIe siècle aux archives de grandes maisons de mode ou de joaillerie, en passant par la bande dessinée de collection, Vincent intervient au quotidien sur de précieux ouvrages. Artisan-relieur, mais aussi restaurateur, papetier et professeur, il est un véritable couteau-suisse qui partage avec plaisir son intérêt pour les livres. Rencontre. 

Vincent Collet, artisan-relieur
Vincent Collet dans son atelier © Vincent Collet

Pouvez-vous nous présenter votre métier ? 

La reliure consiste à réaliser un livre, c’est-à-dire lui donner une couverture solide, à partir d’un livre neuf ou d’un livre non relié. La restauration accompagne cette intervention, mais en réalité, ce sont deux métiers différents. La reliure est faire un livre, alors que la restauration consiste à réparer un livre ancien, abîmé, et lui redonner son état d’origine. Pour par ma part, j’exerce ces deux domaines, car pour les gens, c’est la même chose. Ils ne voient pas la différence. 

J’interviens sur des livres pouvant dater du XVIe siècle jusqu’au XXe siècle. C’est très vaste ! Par exemple, on m’a récemment demandé un devis pour restaurer les archives d’une grande bijouterie située place Vendôme à Paris. Je restaure aussi des livres de bibliothèques d’institutions, des archives de maisons de mode. On voit plein de choses quand on est relieur ! On travaille sur de très beaux livres, des livres anciens et uniques. 

Un relieur n’est jamais tout seul. On est au cœur de tous les métiers du livre.

Il faut savoir qu’un relieur n’est jamais tout seul. On est au cœur de tous les métiers du livre. Cela va de l’imprimeur dont l’imprimeur d’art, en passant par le marbreur qui réalise les papiers marbrés, le papetier qui fabrique des papiers à l’ancienne, ou encore le doreur sur tranche et sur cuir. Si un de ces métiers disparaissait, on ne pourrait plus travailler. Nous avons une grande tradition du livre en France qui est un des derniers pays à maintenir vivant cette tradition des métiers d’art. 

Vincent Collet, artisan-relieur
© Vincent Collet

Pourquoi le livre ? Est-ce un métier passion ?

Quand j’ai commencé la reliure, je ne savais pas vraiment ce que c’était. J’adore l’artisanat et travailler de mes mains. Je suis passionné par les beaux outils et le fait de fabriquer quelque chose. J’aurais pu être relieur comme j’aurais pu être restaurateur de tableaux, ébéniste, ou encore potier. C’est surtout l’idée de métier d’art que j’aime. J’adore l’artisanat et travailler de mes mains. 

Pouvez-nous en dire plus sur votre parcours ?

J’ai passé le CAP de reliure-dorure à Paris et ensuite, j’ai fait quelques années de perfectionnement. J’ai fait les Beaux-Arts de Versailles, et une école de restauration de livres pendant 4 ans et ensuite je me suis lancée. J’ai réussi à trouver un petit atelier à Paris dans le VIe arrondissement. Il y a cinq ans, il y a eu des travaux dans l’immeuble où j’étais et j’ai dû partir. C’est à ce moment-là que j’ai cherché quelque chose en dehors de Paris. Avec ma compagne Valentine, nous avions envie de changer de vie. Notre critère était de trouver une petite ville qui ne soit pas trop loin de Paris car j’ai besoin d’y retourner régulièrement, à la fois pour mes clients, pour les rendez-vous avec les autres artisans et le réapprovisionnement en fourniture.

Nous avons participé à un salon qui s’appelait « S’installer en région » où plusieurs villes cherchant à avoir de l’attractivité étaient présentes. On en a rencontré plusieurs, dont Agglopolys (Communauté d’Agglomération de Blois). On a apprécié l’échange avec les ambassadeurs, et il est vrai que la vallée de la Loire avec ses châteaux nous faisait un peu rêver. Pour nous, c’était intéressant de s’installer à Blois où de nombreux artisans d’art sont présents. On s’est décidé assez rapidement et on nous a parlé de cette boutique, située dans le Quartier des Arts. C’est un lieu historique avec une identité très forte. Pour les gens, c’est une évidence que nous soyons ici.

Vous exercez votre profession à votre domicile et disposez avec votre épouse d’une boutique à Blois, qui est une papeterie. Quelles offres proposez-vous ? 

Mon métier demande beaucoup de concentration. C’est un métier très précis où on travaille au dixième de millimètre près. Je ne peux pas être interrompu facilement. Quand les clients viennent, j’ai besoin de prendre rendez-vous avec eux pour leur réserver du temps. Avec le métier de relieur vient celui de papetier où je fabrique des carnets. C’est pour cela qu’avec mon épouse nous avons eu l’idée de créer une papeterie où nous proposons des carnets, des bijoux en papier et des luminaires. À partir de cela, nous vendons les papiers que nous utilisons. Nous avons étoffé l’offre en proposant des papeteries de qualité, de la papeterie française surtout et de petits créateurs. 

Vincent Collet, artisan-relieur
L'atelier de Vincent Collet © Vincent Collet

Vous proposez également des cours de reliure pour adulte ?

Je propose des cours de reliure tous niveaux. Souvent, les gens ont un peu peur, mais en reliure, on ne peut pas faire d’erreur, on peut toujours se reprendre. Les élèves me disent « Avec toi, rien est grave. » Je trouve que la reliure dans la vie apporte quelque chose. Ce n’est pas seulement faire quelque chose. Le mot « relier » a une forte signification. Relier à l’origine, c’est coudre, c’est relier les cahiers entre eux pour faire un livre. Dans tout métier d’art, on se construit, on fait quelque chose, on se fait soi-même et on fait du lien avec les autres. Réaliser quelque chose, c’est faire un lien entre ses mains et son intelligence. C’est très important pour nous reconnecter avec nous-même.

Je propose également des cours de restauration et j’aimerais développer des stages de fabrication de carnets. L’idée est de personnaliser son carnet, de choisir son papier.

Dans tout métier d’art, on se construit, on fait quelque chose, on se fait soi-même et on fait du lien avec les autres.

Quelles sont les grandes étapes de la reliure ? 

On commence avec le débrochage, qui consiste à découdre toutes les pages. C’est une étape qui prend beaucoup de temps. On met le papier sous presse pendant près de trois semaines afin d’aplatir le papier. Ensuite, je vais le coudre, avant d’intervenir sur le corps d’ouvrage. On va ainsi former le livre avec des temps de collage et de séchage. On va couvrir le livre avec du cuir, puis on va faire la finissure avec tous les papiers intérieurs et les papiers de garde.

Ce qui est amusant, c’est que tout le vocabulaire de la reliure date du XVIIe siècle. Les outils que nous utilisons datent du XVIIe siècle, voir du Moyen Âge pour certains. Notre technique s’est arrêtée au XIXe siècle. On travaille comme autrefois, sans électricité, à la main avec des couteaux à parer, des cousoirs, des presses, des cisailles. J’adore ces outils, car ils ont plusieurs siècles et qui ne vous lâchent pas. Ils resteront encore pendant longtemps car il n’y a pas d’échéance programmée dans la reliure. 

Vincent Collet, artisan-relieur
© Vincent Collet

Retrouvez l’actualité de Vincent via son site internet www.vincentcollet.com

Je vous aussi invite vivement à suivre le compte Instagram de la boutique de papeterie pour être informé des dernières nouveautés, et à vous y rendre directement si vous en avez la possibilité. Le lieu est décoré avec goût, et les produits présentés ne manqueront pas de vous faire de l’œil, j’en suis certaine ! 

Élodie Filleul

Avec Ô Mon Château, vous allez aimer les vieilles pierres ! Je suis Elodie et je partage avec vous mes découvertes et coups de cœur patrimoniaux, ainsi que mes rencontres avec des artisans. 👀

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Appuyer sur la touche Echap pour fermer

error: Content is protected !!