Claire Babet est maître-verrier, un métier d’art d’exception où la polyvalence est reine. De la cathédrale de Chartres en passant par la Sainte-Chapelle à Paris, elle a restauré les vitraux de monuments prestigieux. Rencontre dans son atelier situé à La Bourdinière-Saint-Loup, près de Chartres.
S’il y a bien un monument religieux à ne pas manquer en Val de Loire, c’est la cathédrale de Chartres, célèbre notamment pour son « bleu de Chartres » apparu au XIIe siècle. Époque où le vitrail commence à se développer avec la construction de nombreuses églises dans toute l’Europe. C’est ainsi qu’apparaît le maître-verrier dont la palette va se diversifier au siècle suivant avec le gothique rayonnant. Un métier passionnant qu’exerce Claire Babet depuis bientôt trente ans.
Comme les verrières qu’abritent nos lieux de culte, l’atelier de Claire Babet est coloré et lumineux. Mais l’ambiance ici est assez différente. On s’active et en musique s’il vous plaît ! On restaure des plombs, des peintures et on analyse des vitraux de toute époque. Le dernier en date ? Un vitrail de l’église de Saint-Merry datant du XVIe siècle et réalisé par Jean Chastellain, célèbre maître verrier de la Renaissance. Le ton est donné ! Des vitraux de monuments prestigieux sont passés entre les mains expertes de Claire et de ses quatre employés.
Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art (ENSAAM) à Paris, c’est au cours de ses études que Claire a découvert le vitrail. Ce fut une évidence.
« J’ai toujours eu un intérêt pour la peinture. Je savais que je ferais un métier qui serait dans la couleur, dans l’art, d’une manière ou d’une autre. Mais en même temps, j’aime bien le côté fonctionnel du métier d’art et pas simplement le côté beaux-arts. Et j’ai découvert le vitrail. Je ne connaissais pas du tout le métier, je ne connaissais pas tous ses aspects. Et tout est fait pour moi, c’est-à-dire monter en hauteur sur les échafaudages, être dehors, travailler sur l’histoire de l’art, en peinture, en création. Tous ses aspects me plaisent que ce soit en restauration, en création, en atelier ou en chantier. »
Un métier d’équilibriste, au sens propre comme au sens figuré, qui a toute sa place en Eure-et-Loir avec la célèbre cathédrale de Chartres. Claire y mène des restaurations de façon récurrente.
« Ça fait 29 ans que je travaille. D’abord en tant qu’ouvrier dans des ateliers sur Paris, puis un peu à mon compte. J’ai été professionnelle du vitrail pendant trois ans et j’ai passé le concours pour être titularisée. Peu de temps après, mon ancien professeur m’a appelé en me demandant si je ne voulais pas reprendre son atelier. Et c’est comme ça que je suis arrivée en Eure-et-Loir. Ça fait presque aujourd’hui 20 ans que j’ai repris l’entreprise. »
Claire nous fait visiter son atelier. Au centre, des vitraux sont en pleine renaissance ! Ça ne chôme pas par ici. L’équipe de Claire manie couteau, pince à gruger, diamant afin de donner à ces vitraux âgés de plusieurs siècles tout leur éclat d’antan. Au fond, on aperçoit un impressionnant rayonnage avec des verres minutieusement classés par couleur. Une palette de couleur géante ! Tout près, la réserve où sont entreposés les vitraux en attente de restauration. Claire nous explique les différentes étapes de la restauration du vitrail.
« Il y a d’abord toute la partie chantier : on va chercher les vitraux. Ensuite on travaille en atelier sur les constats, c’est ce que je fais aujourd’hui avec le vitrail de l’église de Saint-Merry. »
Silencieusement et presque religieusement, on contemple ce vitrail du XVIe siècle. Il est noir, impossible de distinguer ses couleurs, les représentations. Claire allume alors la table lumineuse pour faciliter l’examen et soudain, la lumière fut ! Le vitrail change de visage. Quel spectacle… Les couleurs, les personnages, les détails apparaissent enfin. Nous sommes bouche bée face à ce morceau d’Histoire qui se découvre à nous.
« Les baies sur lesquelles on va travailler ont beaucoup été restaurés au XIXe siècle. On est sur des panneaux du XVIe qui sont très bien conservés, c’est magnifique ! Même si toute la baie n’est pas du XVIe siècle, il y a de très belles pièces dedans. »
Claire examine minutieusement le vitrail, prend des notes, des photos. Des tests de nettoyage vont être réalisés puis soumis à l’architecte des monuments historiques. Une fois sa validation, Claire et son équipe pourront commencer la phase de nettoyage. Une tâche longue et minutieuse qui représente un bon tiers du travail de restauration.
« On vient poser un gel qu’on fabrique nous-même sur le vitrail et on laisse agir. Puis on vient avec des petites brosses à dents ou des pinceaux doux enlever les dépôts en faisant attention d’être toujours sur la table lumineuse pour bien voir ce que l’on fait. Ensuite, on nettoie et on regarde une fois que ça a séché si on a bien tout enlevé. Si ce n’est pas le cas, on recommence le traitement jusqu’à que ce soit propre. »
Une fois le nettoyage terminé, la restauration des verres, des plombs et éventuellement des peintures peut commencer. Une phase qui demande tout autant de concentration que la précédente. Une fois le travail achevé, le moment est venu de replacer les vitraux.
Après des mois passés dans l’atelier de Claire, les vitraux, témoins exceptionnels de notre histoire, retrouvent leur place initiale pour les siècles à venir. Il est à présent venu l’heure de la contemplation.
➔ Photographies : François Christophe
DISTINCTIONS :
- Prix régional SEMA création contemporaine en 2003
- Label Entreprise du Patrimoine Vivant depuis 2008
- Maitre artisan d’Art depuis 2013
- Prix Régional INMA en restauration-conservation, 2015
- Entreprise Groupement Monuments Historiques
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